Salim Mokaddem / Revue politique et parlementaire
Le Niger est un pays jeune et pauvre de plus de 27 millions d’habitants et de 1,267 millions de km2 ; il a donc plus que besoin d’éducation et de formation autant que de financements divers et d’aides multilatérales à son développement[1].
Le Niger a des caractéristiques propres à tous les pays sahéliens. Rappelons-les : jeunesse de sa population, croissance démographique exponentielle (6,2 enfants par femme), taux d’endettement supérieur à 30% de son PIB, absence de tissu industriel et de système bancaire de prêts à la consommation abordable pour la population, insécurités internes et externes, forte dépendance aux variations climatiques, stress hydrique, illettrisme et analphabétisme rémanents dépassant les 60 % de la population, absence d’infrastructures et d’équipements adaptés, fragilités sanitaires, méfiance de la société civile vis-à-vis des structures administratives et politiques, faible revenu par habitant, pauvreté endémique, inégalités entre les mondes ruraux (nomades et agricoles) et les mondes urbains, économie informelle importante (plus de 40%), interventions militaires cycliques pour régler des conflits socio-politiques.
Dans ce cadre économique fragile et cette conjoncture politique incertaine, il est évident que l’avenir du Niger ne peut résider que dans l’investissement éducatif plénier et le souci de la formation culturelle, professionnelle, technique et technologique de la jeunesse.
L’éducation suppose cependant des constructions d’écoles, de collèges, de lycées et d’universités afin d’accompagner la croissance démographique, le développement territorial et la planification des investissements liés au capital humain, à la recherche et au développement. Par ailleurs, les industries extractives propres au Niger, notamment l’uranium et le pétrole, nécessitent des compétences techniques et des ressources humaines qualifiées pour être valablement considérées comme des richesses pour le pays ; autrement dit, la formation continue, initiale et continuée, est totalement indispensable pour accompagner la croissance économique du pays.
Diagnostic d’un système éducatif et pronostic de son devenir
Les chiffres et les données statistiques du système éducatif nigérien sont disponibles sur le site nigérien de l’institut des statistiques nationales ; ils indiquent les croissances et les courbes positives des politiques éducatives mises en œuvre lors de ces deux dernières années dans le cadre d’une prise en compte des besoins, des réalités de terrain (le Niger est un pays sahélien enclavé avec une forte dominante agropastorale), et des projections de croissances diverses et réelles appuyées par une politique éducative audacieuse autant que lucide et ambitieuse et référencées par les confiances accordées par les bailleurs de fonds au Niger avant le 26 juillet 2023.
En effet, les partenaires financiers et techniques, les différents bailleurs de fonds (Banque Mondiale, Unesco, Banque africaine de développement, Union européenne, Agence Française de Développement, Banques islamiques et des pays arabes, etc.) et les organismes internationaux d’aide au développement ont reconnu les bons résultats et les tendances générales de l’économie nigérienne ainsi que l’impact effectif sur le progrès économique et social des politiques éducatives mises en place au Niger. Des passifs regrettables ont obéré par le passé les investisseurs et rendus frileux certains opérateurs économiques dans le secteur, du fait de détournements massifs d’argent public dédié à la chose éducative, et de corruption avérée dans les passations de marchés publics et/ou privés quant à la réalisation d’infrastructures scolaires. Cependant, les ressources matérielles et humaines du Niger sont supérieures à tous ces obstacles réels, moraux, politiques, et humains qui pourraient retenir les velléités les plus bienveillantes en matière d’aides, de dons et de prêts pour des projets consistants et mis à l’échelle.
C’est pour cela qu’un style éthique de politique, dans le champ éducatif notamment, avait eu à cœur de moraliser la vie politique et de sanctuariser les budgets des ministères concernés. Il fallait faire une analyse rigoureuse des difficultés du système éducatif nigérien afin de le sortir d’un état de stagnation (dépendance à la dette extérieure), de corruption morale (système de prébendes, de pots de vins et de facilitations de marchés d’Etat par des proximités familiales), et aussi d’inadaptation aux logiques du marché financier, technique et capitaliste (situation coloniale, post-coloniale et néocoloniale). Après ce diagnostic sans complaisance établi par les bailleurs de fonds et les partenaires techniques et financiers, des solutions avaient été proposées et des réalisations ont été mises en place, de façon très pratique et pragmatique, pour pallier les carences et les manques cruels de moyens humains et matériels dans le domaine éducatif au Niger. L’éducation globale et systématique a été considérée pour le Niger comme étant une opportunité et une solution adaptée et rationnelle pour tirer le pays de son marasme économique et social et instruire ainsi un développement qui ne soit pas un énième plan de croissance produisant de la dette plutôt que de la richesse réelle.
La croissance démographique du Niger est un réel défi pour l’éducation du peuple nigérien au présent, et dans un avenir proche. La population a le taux de croissance démographique le plus élevé au monde ; les femmes ont un taux de fécondité de 3,5 et selon les perspectives démographiques, la population du Niger aura doublé d’ici 2050. Pour contrer ces évolutions biopolitiques, l’éducation des familles, et particulièrement des femmes et des jeunes femmes nubiles, est plus que significative et importante. Les femmes fortement diplômées font moins d’enfants que les femmes analphabètes vivant en milieu rural et traditionnel pour des raisons évidentes de conscience des responsabilités incombant aux mères dans l’éducation des enfants, de la planification familiale, du bien-être des enfants et de la reconnaissance prévisionnelle des difficultés économiques et sociales liées à l’éducation (coût économique, investissement pédagogique des parents, moyens matériels de suivis et d’entretien des enfants scolarisés, entre autres[2]).
Il apparait de façon évidente et précise que les taux de natalité et de fécondité au Niger sont liés à des facteurs endogènes tels que les mariages précoces dans les familles rurales, la polygamie rémanente, surtout en zone sédentaire agricole à l’est et au sud du pays, l’éducation des jeunes filles et leur exposition aux mariages précoces. Les mariages et les démariages nombreux, souvent anomiques, comportent des risques sanitaires (épisiotomies, fistules, accouchements traditionnels, septicémie, etc.), psychosociaux et psychopathologiques liés à l’âge des adolescentes et des jeunes femmes mariées souvent de force et sans qu’elles comprennent bien les enjeux des alliances matrimoniales faites par des familles, souvent soucieuses d’alléger les difficultés économiques quotidiennes ou par souci d’anticipation de l’avenir de leurs enfants en milieu rural autant qu’urbain. D’où, notamment, les déscolarisations des jeunes filles par des parents soucieux de leur épargner des grossesses indésirées et des situations de jeunes filles-mères, quand elles sont scolarisées loin de leur famille d’origine.
Propositions innovantes et singulières adaptées au contexte saharo-sahélien du Niger
Pour se faire, des internats éducatifs de jeunes filles ont été programmés dans tout le pays (cf. annexe 1), et spécialement dans les zones rurales du Niger, de telle sorte que les inconvénients liés à la scolarisation des filles soient épargnés pour les familles rurales, et afin que les écoles, collèges, lycées, se rapprochent des villages et des paysans. Les sites agro-industriels servent alors directement à l’approvisionnement en alimentation et en ressources vivrières aux élèves scolarisés dans les internats de jeunes filles.
Les avantages sont multiples ; scolarisées plus longtemps, les jeunes filles sont plus et mieux éduquées via des curricula idoines, selon un planning familial ad hoc, et, de plus, elles vivent une vie sociale et scolaire dans les communautés de vie que sont les internats où elles peuvent partager des valeurs et échanger des points de vue différents sur le monde, leur avenir, la société, et penser ainsi leur rôle citoyen au Niger et leur devenir socioprofessionnel dans un pays en pleine mutation et en totale inventivité socio-économique quant à leur destin et à leur rôle politique. La confrontation des opinions et des pensées a l’avantage de produire une communauté de pensée dans une génération, la formation du jugement argumenté et critique des populations scolarisées, et également de faire réfléchir les futures citoyennes à la signification du rôle maternel et éducatif qu’elles auront à jouer dans leur future famille. Pour cela, la scolarité a été rendue obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans et le niveau de diplôme des enseignant-e-s a été considérablement élevé, notamment pour les instituteurs et les institutrices (professeur-e-s des écoles) et les enseignants du second degré. Il est désormais nécessaire de posséder au moins un baccalauréat pour enseigner dans le premier degré et au moins une licence pour le second degré ; l’idée est d’accompagner également les gestes professionnels des formateur-e-s des Ministère de l’éducation nationale, de la formation professionnelle, technique et technologique, en revoyant de fond en comble les théories et les pratiques de l’éducation qui ont eu lieu et sont en cours au Niger pour en évaluer les pertinences théorico-pratiques au vu de l’évolution des recherches en sciences et en philosophie de l’éducation, en didactique des disciplines et en psychopédagogie.
Il s’agit aussi de résorber les enseignants contractuels dans la fonction publique en évaluant leur compétence, les accompagnant dans leur mise à niveau de savoirs et de connaissances, et dans le suivi de leur compétence afin d’éviter les stagnations épistémiques et les échecs scolaires dus à la médiocrité des enseignements et à la faible formation professionnelle des cadres éducatifs et pédagogiques en milieu scolaire[3]. Nous avons personnellement insisté sur ces points afin d’avoir des intellectuels formateurs et des enseignants critiques dans les établissements scolaires ; un enseignant est d’abord et avant tout un homme ou une femme diplômée, savant-e, heuristique, zététique et critique, curieux du monde et tourné-e autant vers le passé, le présent que vers l’actualité la plus vive eu égard à ses domaines de compétences. On enseigne avant tout ce qu’on est et il est clair que l’apprentissage et l’enseignement de l’autonomie dans les logiques de réussite scolaire sont plus que reconnus à ce jour. Les théories et les pratiques socio-constructivistes sont donc plus adaptées au profil des élèves nigériens que les enseignements magistraux, souvent coupés du quotidien des élèves, et peu propices à susciter de la motivation dans les apprentissages. Les logiques de projet, de mises en activité, en ateliers, en situations problèmes, en recherche active, permettent plus à l’esprit de se développer par des recherches de solutions et des collaborations fondées sur les communautés de recherches et la coopération entre élèves. Les méthodes magistrales, top-down, datent du temps de l’administration coloniale et visent plus à soumettre les esprits à obéir et à se conformer à des normes d’action qu’à développer le sens de l’innovation et de la créativité dans les esprits des populations concernées selon une vision de l’humanité hiérarchisée et systématisée dans une philosophie de l’histoire propre au projet impérial et colonial. De plus, la proximité des zones rurales et le rôle crucial de l’économie du secteur primaire au Niger contraignent les structures scolaires à donner du sens aux apprentissages : les pratiques des activités de production et de réflexion basées sur le quotidien des populations, même si le rôle de l’École, au sens large, est d’ouvrir l’intelligence des élèves à d’autre horizons que le leur, leur permettent de « faire en apprenant » ou « d’apprendre en faisant ». La pédagogie de John Dewey[4] semble ici très adaptée aux finalités pédagogiques et civiques de l’École au sens large. Il s’agit bien de rester dans l’immanence et la proximité de vie des populations scolaires qui vivent dans un espace-temps singulier et à surtout ne pas oublier, et, dans le même moment, de faire comprendre aux élèves le monde où ils vivent, de façon progressive et citoyenne, tout en ne négligeant pas de leur apprendre les bases et les fondements par lesquels et sans lesquels le réel n’est pas compris et assimilé[5]. Il est important d’adapter les curricula au vécu et à l’environnement culturel et axiologique des élèves et des familles, tout en élevant l’attention sur des réalités qui les dépassent. L’éducation au panafricanisme nécessite une prise en compte de l’histoire des langues, des civilisations, des patrimoines, des géographies, des économies, des sciences sociales et humaines, des techniques et des sciences, et, surtout, la formation du jugement appuyé sur des connaissances scientifiques certaines et référencées. C’est ce que disaient, entre autres, Boubou Hama, N’Krumah, Sylvanus Olympio, ou Nelson Mandela, autant qu’Aimé Césaire et Frantz Fanon : il ne peut aucunement y avoir d’émancipation de l’Afrique sans la prise en compte des connaissances universelles qui mènent à la conscientisation de soi, de l’autre, du monde, et sans la décision courageuse de vouloir et de savoir qui on est, dans le monde qui est, pour savoir où l’Afrique peut aller, en fonction de ce qu’elle est et de ce qu’elle sait de son histoire et de sa place dans le monde. Nous rajouterons que le panafricanisme est un humanisme et un universalisme visant à éradiquer les conflits et les violences anti-démocratiques et anti-républicaines pour définir un contrat social basé sur les valeurs de l’Union africaine et des idéaux et principes des indépendantistes voulant une Afrique basée sur les droits humains et la reconnaissance de la dignité du genre humain.
Du rôle de la pensée critique dans les actions éducatives
Après cette courte synthèse sur l’éducation au Niger, nous voudrions, pour finir, insister sur le rôle des intellectuels et des cadres techniques du secteur pour les orienter sur quelques points sensibles touchant au secteur de la formation et de la culture au Niger. Contrairement à ce que « pense » une certaine doxa basée sur des expertises redondantes, et souvent de bonne foi ethnocentrées, doublement aveugle au processus épistémologique sous-tendant les analyses techniques des consultants en développement et en éducation, les discours surplombent trop souvent les analyses autochtones des acteurs du champ. Le Niger a besoin d’ingénieurs pratico-pratiques, et surtout, de formations professionnelles et techniques éclairées et adaptées aux contextes des apprentissages et des enseignements.
Connaissant et observant de façon rationnelle les processus éducatifs depuis plus de 30 ans dans le monde asiatique, africaine, européen, je remarque que les ministères techniques font souvent les mêmes erreurs : confondre les analyses des systèmes éducatifs avec les praxis des secteurs concernés et proposer des réformes là où il faudrait seulement des expériences et des savoirs à transmettre. Les sciences de l’éducation ont le malheur d’être trop souvent des vectrices idéologiques de pratiques ayant vécu et n’ayant plus de pertinence dans les actions des formateurs et des enseignants de terrain. Ainsi pour l’enseignement du numérique et celui des arts et des techniques, souvent découplés ou déjantés des moyeux par lesquels les élèves et toute une jeunesse se sert des outils du numérique (applications, jeux, apprentissages, communication et information). Il en va dans ce secteur, hautement sensible, à la fois de la guerre informationnelle en cours dans tous les pays du Sahel (et ailleurs dans le monde) mais surtout, de la formation au jugement et à l’esprit critique de la jeunesse sahélienne et nigérienne en particulier. Dans cinq ans, elle sera à la fois adulte et en âge de prendre en main le destin du pays : elle devra donc être sensible à l’importance de discriminer les vraies des fausses informations. La jeunesse du Niger est une faiblesse autant qu’une force, selon l’éducation et le capital cognitif dont on la dotera à l’avenir. D’où l’importance de l’éducation au sens critique et l’idée centrale de la mettre au premier plan des actions de politiques éducatives ; avant toute chose, l’éducation nigérienne a besoin de cadres solidement formés et de gens convaincus qu’éduquer, instruire, est autant un acte anthropologique que politique. Il n’est pas certain que cette vision prospective historique, politique et civilisationnelle soit toujours bien perçue par les dirigeants du moment ; un être humain informé et capable d’esprit critique n’est pas un danger pour les États en devenir au Sahel, mais plutôt un gage de leur stabilité légitime et de leur modernisation en devenir. Tout peuple est allié de lui-même quand les gouvernances ne sont pas armées contre lui, et que les forces vives de la société civile sont unies vers un développement holistique du pays dans toutes ses composantes. La difficulté est de faire comprendre qu’un homme d’action qui n’est pas un intellectuel critique n’est ni un homme d’action, du fait du caractère désordonné de ses actions, ni un intellectuel, du fait de son absence de vision politique de l’histoire, du présent et de l’avenir. Chacun sait ce qu’il faut faire en matière éducative au Niger : éduquer et instruire suppose le travail permanent et engagé d’intelligences probes et de volontés courageuses de faire pour le présent et l’avenir ce qui est essentiel pour ouvrir les esprits des élèves et de former les intelligences, les sensibilités et les corps des générations à venir. Cela suppose un effort de la part d’une génération d’enseignants engagée dans la volonté de construire des esprits bien faits et le courage d’affronter la vérité que suppose le travail gris et prosaïque de l’enseignement : un professeur est un instituteur de la République et un architecte de l’humain à venir. Revaloriser les statuts de l’enseignant en ce sens s’avère donc indispensable pour motiver et susciter les vocations.
Le Niger, jusqu’au 26 juillet 2023, avait un taux de croissance de 7% et il était prévu qu’avec l’exportation du brut d’Agadem et de l’uranium d’Imouraren et des autres gisements, le taux de croissance atteindrait en 2024 plus de 14%. La politique récente active et proactive avait permis de faire baisser le taux de fécondité à 6,2 enfants par femme du fait d’une prise en compte réelle et pragmatique des déterminants socio-éducatifs dans la composante démographique. Il faut maintenant que les efforts matériels, économiques, financiers, humains, se poursuivent pour maintenir le cap sur la formation de base des élèves et des enseignant-e-s, que les taux d’abandon scolaire diminuent, et que les politiques éducatives en matière de scolarisation des jeunes filles se maintiennent afin qu’elles puissent devenir des citoyennes à part entière et ainsi jouer leur rôle dans la société nigérienne de telle sorte qu’elles apportent leur savoir, leur savoir-faire et leur vision de l’histoire dans une société en mutation qui a l’avenir pour elle. L’Afrique est le continent de l’avenir ; le Niger a un rôle éminent à jouer pour des raisons géostratégiques, géographiques, et pour ses richesses à tout niveau (terres arables, sous-sols riches en minerais divers, marché important de consommateurs, cheptels riches et variés, etc.).
Conclusion en forme de viatique
Éduquer au Niger suppose donc de prendre en compte la situation des populations de façon concrète en n’oubliant pas l’état de pauvreté des villages privés d’énergie, d’infrastructures, de moyens financiers et techniques et dépendant pour plus de 30% de son budget d’aides extérieures. Le système de l’exportation des matières premières et de l’importation de produits industriels à haute valeur technologique ajoutée, ne fait qu’aliéner davantage le pays ; c’est pour cela que l’éducation doit nécessairement accompagner les découvertes pétrolières et géologiques. Sinon, les dépendances dans le service de la dette et dans les expertises et assistances diverses multilatérales grèveront les richesses potentielles et réelles du pays dans tous les secteurs de l’économie nationale. Une politique audacieuse doit prendre en compte les particularismes nigériens et affronter les questions suivantes : peut-on se développer de façon autarcique à l’heure d’aujourd’hui dans un monde globalisé ? Et peut-on ne pas s’appuyer sur les découvertes et expériences des sociétés humaines industrialisées et post-industrialisées pour développer son système éducatif ? Comment ne pas harmoniser les systèmes éducatifs et culturels avec les pays limitrophes et de l’UA sans prendre le risque d’éduquer sans inclure les hétérogénéités et les multiples arts de faire des sociétés africaines de l’Ouest et d’ailleurs ? A ce stade, le Niger a désormais le choix : celui de s’ouvrir au monde pour apporter son idiosyncrasie culturelle et sa singularité civilisationnelle, ou bien de se replier sur une planification non inclusive, au risque d’étouffer les innovations et les libertés nécessaires pour faire éclore et prospérer tous les processus de créations et d’inventions nécessaires dans le domaine éducatif. Il s’agit de faire entrer le Niger dignement dans l’histoire du monde en respectant ses libertés et son style propre. L’éducation demeure la voie royale pour construire au mieux l’avenir du Niger.
[1] Cf. Salim Mokaddem : Le Grand Continent, https://legrandcontinent.eu/fr/themes/politique/le-niger-en-crise/, 6 septembre 2023 ; id. Le Point, 19 septembre 2023, ; et les articles de mon blog sur le sujet: www.salimmokaddem.com
[2] On trouvera tous les chiffres et les indices statistiques, aussi bien démographiques, éducatifs, économiques, dans l’annuaire dédié des statistiques nationales du Niger de l’Institut National de la Statistique (INS) disponibles via le lien suivant : http//www.stat-niger.org.
[3] On distinguera avec pertinence l’équipe pédagogique comme étant formée des enseignant-e-s à proprement parler, de l’équipe éducative composée de tous les adultes accompagnant les apprentissages des élèves (parents d’élève, surveillants, équipe administrative, intervenants extérieurs, etc.). Au Niger, les comités de gestion (COGES) formés des parents, des adultes, des tuteurs, des chefs traditionnels et des autorités locales, ont une importance fondamentale dans la co-éducation et l’accompagnement et le suivi des institutions scolaires.
[4] John Dewey (1859-1952) est un philosophe américain qui a prôné en matière éducative le rôle de l’action et de la participation active à des projets éducatifs afin de construire l’espace démocratique propre aux sociétés libérales.
[5][5][5] Il est clair que le rôle des langues nationales et de la manière de les enseigner, et d’en faire plus ou moins des langues d’apprentissage de la langue (système du langage) et des disciplines (qu’elle soient des matières scientifiques ou des sciences sociales et humaines), s’avèrent plus que fondamentaux. Nous avons élaboré des curricula en ce sens afin d’éviter les schizophrénies d’apprentissage qui peuvent rendre les élèves perplexes dans leurs apprentissages et produire dans leur esprit et volonté de façon artificielle des conflits de loyauté entre l’École et la famille, au risque de les écarter de manière aliénante de leur culture familiale et première. La prise en compte des langues parlées dans les familles est plus qu’urgente comme le suggérait déjà en son temps Abdelmalek Sayad dans son livre intitulé par l’éditeur : L’École et les enfants de l’immigration, essais critiques, Paris, Seuil, « La couleur des idées », 2014. Nous ne pouvons pas développer cette idée cruciale dans le cadre de cet article ; mais, pour faire court, disons que la langue et la pensée sont liées entre elles dialectiquement. Elles définissent des systèmes de valeurs et des concepts indispensables pour l’émancipation de la pensée et de la subjectivité des humains.
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